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Voix, mouvements et politique : la mobilisation du pouvoir des femmes Blog

18 mars, 2019

Dans le secteur du développement international, on s’entend aujourd’hui pour dire que les projets doivent tenir compte des besoins particuliers des femmes et des obstacles auxquels elles sont confrontées, et y répondre directement. Les donateurs, les ONG, les gouvernements et les communautés s’unissent pour réaliser l’égalité des sexes et promouvoir l’autonomisation des femmes. En effet, l’Objectif de développement durable (ODD) 5 représente un objectif sexospécifique à part entière et un cadre solide à l’intérieur duquel les priorités des femmes peuvent être défendues et réalisées.

Alors que nous célébrons la Journée internationale des femmes, et que nous continuons de réfléchir sur notre rôle au sein du monde du développement et d’apprendre de nos expériences, nous voulons partager les leçons tirées de nos projets et de nos programmes sur la manière de devenir de meilleurs alliés pour les femmes et de soutenir la mobilisation de leur pouvoir inhérent. En nous appuyant sur le discours public actuel, sur la recherche et les résultats des pratiques de développement (y compris les projets que nous avons mis en œuvre), et surtout sur ce que les femmes et les filles que nous soutenons nous ont dit, nous avons identifié trois éléments clés qui s’avèrent essentiels pour atteindre l’égalité durable des sexes.

Voix

En tant qu’organisation de développement, nous avons appris que notre rôle est d’écouter et non d’imposer. Nous cherchons à démanteler les notions patriarcales selon lesquelles les femmes ont besoin qu’on les « aide » ou qu’on leur « donne la parole », ainsi que la dynamique de pouvoir toxique de l’époque coloniale que ces notions renforcent. Les femmes ont voix au chapitre. Nos projets nous ont appris la nécessité de créer des espaces et des structures propices permettant d’abattre les obstacles auxquels les femmes font face lorsqu’elles s’expriment.

Il faut donc veiller à ce que les femmes soient au cœur des projets, non pas comme des pions mais comme des décideuses dans leur planification et leur exécution. Cela signifie que les projets doivent être soigneusement conçus et adaptés selon le contexte afin d’offrir aux femmes des espaces sûrs où elles peuvent parler librement et être écoutées.

De 1999 à 2016, Cowater a mis en œuvre le projet CESSD (Communication pour une prestation efficace des services sociaux), financé par les gouvernements canadien et australien, dans 11 districts de la province du Khyber Pakhtunkhwa, au Pakistan. Le projet a été conçu pour soutenir l’engagement des citoyens auprès du gouvernement du Khyber Pakhtunkhwa et créer un environnement propice à la prestation de services sociaux essentiels, comme les soins de santé, l’éducation primaire et l’accès à l’eau potable. Puisque les communautés dans lesquelles le projet a été mis en œuvre sont profondément conservatrices sur le plan social, les femmes ont dû relever de nombreux défis pour pouvoir participer au projet. Ces défis comprenaient notamment le poids des soins et des responsabilités familiales; des restrictions à leur mobilité; le risque que leur participation au projet et aux processus démocratiques en général soulève des réactions négatives; et le faible niveau d’alphabétisation et d’éducation chez les femmes. Malgré cela, vers la fin du projet, 93 % des femmes siégeant aux comités des services d’eau, des groupes communautaires mandatés par le gouvernement pour soutenir et superviser la gestion des systèmes d’approvisionnement en eau, estimaient que les décisions cruciales prises par ces comités tenaient compte de leurs opinions. Le projet a permis d’accroître la participation et l’expression des femmes à chaque étape, car sa planification a intentionnellement pris en considération les luttes quotidiennes auxquelles elles devaient faire face.

Il a fallu, dès le début du projet, prendre le temps d’établir de véritables relations avec les parties prenantes, y compris les décideurs locaux et les représentants des autorités. En faisant participer les chefs religieux, les familles élargies des femmes et les aînés de la communauté, qui ont le pouvoir de mener ou d’entraver le changement, le projet a réussi à obtenir un large soutien à une plus grande participation des femmes. Pour garantir que les femmes de différents milieux puissent participer, le projet a surmonté plusieurs obstacles en organisant des réunions réservées aux femmes dans des lieux socialement acceptables et accessibles, et à des moments adaptés à leurs horaires.

Une leçon importante à tirer de ce projet est que, pour être réellement inclusif, il faut bien comprendre la vie des femmes. Pour y parvenir, les agents de projets doivent rencontrer les femmes là où elles se trouvent, dans des lieux où elles peuvent s’exprimer librement et être écoutées. De cette façon, il est possible d’entendre directement de la bouche des femmes leurs désirs, leurs espoirs et leurs aspirations.

Mouvements pour le changement 

Nous avons vu à maintes reprises ce qui peut être réalisé lorsque des femmes de tous les milieux s’unissent autour d’un but commun, et le pouvoir collectif qui découle de cette solidarité. En fait, l’organisation et la mobilisation de niveau communautaire que mènent les femmes dans le monde visent à modifier fondamentalement les institutions oppressives et à démanteler les structures patriarcales. Bien que l’aide financière joue un rôle important pour soutenir les organisations féminines à la tête de ces mouvements, on obtient un succès durable lorsque d’autres formes de soutien sont aussi privilégiées, comme le développement organisationnel et l’apprentissage, l’établissement de relations et de réseaux, et le renforcement des politiques.

Cowater, en collaboration avec le gouvernement indonésien, met actuellement en œuvre le programme MAMPU, financé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce du gouvernement australien (DFAT). Le MAMPU soutient la création de réseaux et de coalitions inclusives de groupes de femmes et de défense des droits des femmes ainsi que de parlementaires, afin de façonner positivement les politiques, les règlements et les services gouvernementaux pour que les femmes pauvres aient plus facilement accès aux services et au soutien dont elles ont besoin. Le MAMPU travaille avec plus de 14 ONG nationales et plus de 100 organisations locales de la société civile dans 27 provinces et 1200 villages en Indonésie.

Le 19 avril 2018, des dirigeantes de diverses organisations partenaires du MAMPU ont été invitées à rencontrer le président indonésien Jokowi pour discuter des principales priorités du mouvement des femmes. Ces femmes étaient là pour demander l’abolition du mariage infantile par l’adoption d’un règlement présidentiel tenant lieu de loi nationale (aussi appelé Perppu), l’adoption d’un projet de loi sur l’élimination de la violence sexuelle, et le report de la ratification du projet de révision du Code pénal.

À l’issue de la rencontre entre les partenaires du MAMPU et le Président Jokowi, celui-ci s’est engagé à signer le Perppu, qui relèverait l’âge minimum légal du mariage. Cette réunion est le fruit de plusieurs années d’engagement acharné et stratégique de la part des partenaires du MAMPU auprès du bureau du Président. Grâce au travail inlassable des partenaires du MAMPU, le programme a influencé plus de 80 décisions prises par les responsables des politiques d’octobre 2017 à mars 2018, qu’il s’agisse d’une nouvelle loi nationale sur les travailleurs migrants, de l’augmentation des allocations budgétaires aux villages, ou des plans de district stratégiques sexospécifiques.

En tant qu’organisme subventionnaire, nous savons qu’une part importante de notre rôle est de reconnaître le pouvoir, la capacité et le dynamisme exercés par ces organisations et réseaux féminins. Nous savons que notre façon d’offrir de l’assistance technique, d’administrer les subventions et d’évaluer les impacts doit soutenir et non entraver le travail de ces organisations.

Pouvoir politique

Dans le cadre des nombreuses interventions visant l’autonomisation des femmes, on néglige parfois la puissance de la participation politique, de la représentation et de l’activisme des femmes. Cet oubli peut marginaliser davantage les femmes et les exclure des centres de pouvoir de la société. Il est donc important de distinguer les interventions n’offrant que des améliorations secondaires à la situation des femmes de celles qui aident les femmes à briser les structures qui perpétuent leur marginalisation.

Nous avons appris que pour pouvoir contribuer au changement transformationnel recherché, nos projets doivent soutenir la mobilisation politique des femmes.Le développement des affaires et les services d’information aidant les femmes à créer leur propre entreprise sont importants dans la lutte contre la pauvreté. Il faut aussi encourager les familles à adopter une saine nutrition et une bonne hygiène afin d’améliorer leur santé. Toutefois, si l’on ne s’attaque pas aux dimensions politiques de la pauvreté et de la santé, les causes profondes de ces problèmes persisteront. Le fait de soutenir la mobilisation, la participation et la représentation politiques des femmes sur des questions qui les touchent, elles et toute la société, amènera des changements qui permettront de surmonter les problèmes de développement qui sont encore insolubles aujourd’hui.

Il est nécessaire d’inclure systématiquement l’opinion des femmes si l’on veut obtenir les changements souhaités aux niveaux politique, décisionnaire et législatif. Il faut non seulement créer des espaces propices qui favorisent la prise de parole des femmes, mais aussi veiller à ce que leurs opinions soient entendues dans les sphères les plus élevées du pouvoir politique. Alors que de plus en plus de femmes d’origines diverses entreront dans la sphère politique, il deviendra possible de représenter véritablement les divers points de vue féminins, ce qui constitue un véritable espoir de réforme sociale.

Pour que l’inclusion soit possible, il faut aussi que les femmes aient les outils, les ressources et la préparation nécessaires pour réussir dans leurs nouveaux rôles. En Indonésie, bien qu’il y ait un quota exigeant que les partis politiques comptent au moins 30 % de femmes sur leurs listes de candidats, on n’a pas encore vu une augmentation significative de l’éligibilité des femmes. L’un des facteurs expliquant ceci est le manque de formation politique offerte aux candidates, qui leur pose d’importantes difficultés lorsqu’elles se présentent contre les hommes au pouvoir. Pour répondre à ce problème, le programme MAMPU offre une formation politique, médiatique et de leadership aux parlementaires et aux caucus parlementaires féminins, qui vise à promouvoir les réformes en matière d’égalité des sexes au Parlement. De plus, le programme encourage les femmes parlementaires à consulter leurs électeurs afin de mieux comprendre les causes des problèmes touchant les collectivités et les femmes pauvres, et de défendre leurs intérêts.

En cette Journée internationale des femmes, ce que nous soulignons principalement, c’est l’action des femmes et la reconnaissance générale du fait que, pour parvenir à une égalité durable entre les sexes, les femmes doivent pouvoir raconter leurs propres histoires, en se liguant pour faire tomber les structures oppressives et affirmer leurs droits et leur pouvoir politique.

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Cowater facilite des actions transformatrices favorisant l’égalité des sexes et l’inclusion sociale. En tant que leader mondial de la consultation en développement international, nous sommes experts en matière d’égalité des sexes pour ce qui est des projets, des programmes et des politiques. Nous travaillons avec les gouvernements, les organisations partenaires, les communautés et la société civile pour concevoir et appliquer des solutions sexospécifiques durables qui entraînent des résultats sociaux, économiques et environnementaux permanents. Nous croyons qu’il faut soutenir l’autonomisation des femmes et des filles, et remettre en question les normes et les pratiques sociales néfastes tout en créant des milieux inclusifs pour les femmes, les hommes, les filles et les garçons marginalisés.


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